Depuis leur apparition, les monnaies numériques anonymes ont fait l’objet de nombreuses controverses. Des coins comme le Monero, le Zcash ou le Dash sont régulièrement accusés d’offrir à des individus malveillants la possibilité de mener des activités criminelles.
Mais pour l’agence Weiss Ratings, ces crypto-monnaies peuvent également être bénéfiques à la société. Ses analystes estiment qu’elles peuvent permettre de mieux garantir la confidentialité de certaines données, et qu’elles sont susceptibles d’offrir à de nombreux individus la possibilité de s’émanciper de la tutelle de gouvernements autoritaires.
De nombreuses applications
Les gouvernements devraient craindre les crypto-monnaies anonymes. Voici le message envoyé par les experts de la société de recherche Weiss Ratings, Martin D. Weiss et Juan M. Villaverde, dans un article publié la semaine dernière.
Pour les analystes, les pouvoirs publics ont entamé une guerre contre l’argent physique. Il s’agirait d’un problème de taille pour les millions de citoyens qui vivent sous des régimes autoritaires et corrompus. Les deux principaux risques auxquels ces individus sont exposés ? La saisie de leurs actifs et le non-respect de leur vie privée.
Pour Weiss Ratings, les crypto-monnaies anonymes peuvent permettre d’y apporter une réponse, en offrant une plus grande autonomie à ces populations. Et plutôt que de lutter contre ces « privacy coins », l’agence de recherche appelle les gouvernements à s’appuyer sur la technologie qu’ils utilisent :
« La technologie des registres distribués anonymes peut permettre de garantir l’anonymat et la confidentialité de votants – un élément essentiel pour pouvoir mener des élections démocratiques en toute sécurité. Ainsi, la même forme de registre distribué anonyme que le Zcash utilise pour masquer des transactions pourrait être utilisée pour créer un système de vote rapide, efficace, anonyme et sécurisé ».
Les deux analystes estiment ainsi que les gouvernements devraient s’intéresser à la technologie sur laquelle s’appuient les crypto-monnaies anonymes. Celle-ci pourrait permettre aux autorités :
- De protéger la confidentialité de certaines données personnelles. Il aurait ainsi été possible d’empêcher le scandale Cambridge Analytica. Grâce à cette technologie, les réseaux sociaux pourraient être, à l’avenir, pensés de manière radicalement différente. Les utilisateurs deviendraient maîtres de leurs propres données.
- D’ériger un bouclier solide contre les pirates. Il serait possible de transférer les informations sensibles qui sont stockées dans des centres de données centralisées. Les tentatives d’exploitation de failles de sécurité pourraient devenir bien plus complexes à mettre en œuvre.
- De rendre plus sûres les informations gouvernementales. Les pouvoirs publics pourraient fragmenter les informations classifiées dans plusieurs dizaines de milliers de serveurs répartis à travers le monde.
Les interdire purement et simplement ? Une mauvaise idée
Malgré leurs atouts, l’agence Weiss souligne le pouvoir néfaste de ces crypto-monnaies, qui « peuvent rendre presque impossible, même pour les agences de renseignement les plus perfectionnées, de savoir ce qu’un utilisateur détient, mais aussi ce qu’il envoie, d’où il l’envoie et quand il l’envoie ».
« Avec les crypto-monnaies anonymes, la seule information dont nous disposons est la “Market Cap” et le montant de l’ensemble des transactions. Nous ne pouvons pas savoir qui est impliqué dans chaque transaction individuelle, ni connaître les sommes qui ont été envoyées ».
Mais pour les deux experts, une interdiction pure et simple de ces crypto-monnaies constituerait une mauvaise idée. Ils jugent qu’une telle initiative « empêcherait le développement d’applications légitimes, tout en offrant aux criminels un monopole sur leur utilisation à des fins illicites » – et que la solution à cette problématique « est plus complexe » que ce que l’on pourrait penser de prime abord.
« Au même titre que les citoyens qui vivent sous un régime corrompu ont des raisons valides de rendre certaines transactions privées, […] les gouvernements qui souhaitent endiguer les agissements d’acteurs malveillants ont des raisons valides de vouloir le faire. Nous avons besoins d’un système financier mixte, basé sur des choix. Soit vous “faites confiance à des tiers pour conserver vos actifs”, soit vous “en prenez possession et vous les conservez vous-même », ajoutent M. Weiss et M. Villaverde.
Les deux hommes estiment que cette deuxième alternative « est plus démocratique, […] plus fiable, et offre une plus grande liberté ».
« En tirer profit plutôt que de les réprimer »
Si les auteurs de cet article invitent leurs lecteurs à faire de prudence vis-à-vis de la technologie utilisée par les coins anonymes, ils les appellent à en tirer profit.
« La même technologie de confidentialité qui peut être utilisée par des criminels pour obscurcir et maquiller leurs activités peut également être utilisée par des gouvernements, des entreprises et des citoyens pour chiffre leurs données et empêcher leur accès par ces mêmes criminels », expliquent-ils.
« Cette technologie existe déjà. Des acteurs malveillants peuvent déjà l’utiliser. Les nations doivent en tirer profit plutôt que de les réprimer ».
Au final, ils pensent que le fait d’interdire l’utilisation de coins anonymes et transfrontaliers comme le Zcash ou le Monero ne permettra pas d’empêcher des criminels de les utiliser.
Pour les experts, une telle décision ne ferait que retarder le développement des nombreux innovations qui pourraient découler de la technologie sur laquelle s’appuient ses monnaies. Celle-ci pourrait permettre aux gouvernements de rester à la pointe de l’innovation, de protéger des données sensibles et de garantir des élections démocratiques.
Dans le même temps, ces crypto-monnaies anonymes sont susceptibles de redonner du pouvoir aux individus qui vivent sous des régimes autoritaires, et qui peuvent ainsi échapper au contrôle des capitaux et à l’oppression économique dont ils font l’objet.
Référence : Bitcoinist