Une majorité des Bitcoins dérobés à la plateforme Bitfinex en 2016 n’ont pas bougé depuis 5 ans. La raison ? Il est extrêmement compliqué pour le(s) pirate(s) d’écouler ces fonds.
Une fortune difficile à encaisser. C’est le problème auquel sont confrontés le (ou les) individu(s) ayant piraté la plateforme d’échange Bitfinex en 2016.
En effet, selon la société d’analyse spécialisée dans la régulation des crypto-transactions Elliptic, ils ne seraient parvenus à blanchir que 4% des près de 120 000 BTCs dérobés (soit environ 7 milliards de dollars aux cours actuels). Et il leur faudra probablement plus d’un siècle pour pouvoir écouler la totalité de leur magot.
Dans une étude publiée la semaine dernière, Ellpitic indique que 79% des fonds dérobés n’ont toujours pas été transférés, et restent dans le portefeuille des pirates. Alors que les 21% restants ont pu être déplacés au cours des 5 dernières années, les hackers ne sont parvenus à blanchir ou échanger que « seulement » l’équivalent d’environ 270 millions de dollars.
C’est que la manœuvre est désormais extrêmement complexe. L’existence d’outils de « tracking », la réglementation de plus en plus stricte ainsi que les méthodes dont disposent désormais les forces de l’ordre sont autant de barrières qui compliquent la tâche des pirates.
Des « détachements de chaînes »
Afin de blanchir leurs fonds, ces derniers ont notamment a eu recours à la méthode des « détachements de chaînes ». Celle-ci consiste à déplacer rapidement des fonds d’un portefeuille à un autre, tandis que de petites portions de BTC sont « détachées » vers la destination souhaitée par les hackers.
Elliptic explique qu’il était encore très difficile, en 2016, de suivre l’origine des Bitcoins blanchis à travers cette méthode. Mais de nombreux systèmes de traçage automatique ont été depuis développés. Par exemple, le logiciel « Elliptic Forensics » permet de « déterminer en quelques millisecondes la source ou la destination finale de fonds, peu importe le nombre ou la complexité des transactions utilisées par le blanchisseur ».
Après avoir dérobé 119 756 BTCs en 2016, les pirates avaient mené une « rafale de transactions » en 2017. L’activité était ensuite très faible, avant de reprendre avec la flambée récente du Bitcoin. La tentation était sans doute devenue trop forte pour les hackers, qui ont ainsi déplacé 12 241 BTCs en avril – ce qui représentait alors l’équivalent de 774 millions de dollars.
Elliptic est par ailleurs parvenue à identifier les trois principales destinations du magot des pirates : des marchés darknet (84%), des portefeuilles confidentiels (12%) ainsi que des plateformes d’échange (4%).
Des possibilités restreintes
Le processus de blanchiment avait démarré en 2017 sur Alphabay, qui était alors le plus grand marché darknet au monde. Après avoir été fermé par les forces de l’ordre cette même année, le site était devenu « Hydra ».
« Après une pause en 2019, les blanchisseurs sont retournés sur Hydra en 2020, et y déposent désormais 3 millions de dollars de Bitcoins volés chaque mois. Au total, environ 72 millions de dollars des Bitcoins volés ont été envoyés à Hydra », indique Elliptic.
Les pirates ont également eu recours à des portefeuilles centrés sur la confidentialité, qui permettent à leurs utilisateurs de « cacher » leurs Bitcoins des logiciels de traçage. Des BTCs avaient ainsi été envoyés à JoinMarket – mais les pirates ont désormais principalement recours au wallet Wasabi. Ils sont ainsi parvenus à blanchir 10 millions de dollars supplémentaires, et continuent d’y envoyer chaque mois l’équivalent d’un million de dollars de BTC.
Enfin, les plateformes d’échange ne correspondent qu’à 4% des transactions des hackers. Ce n’est pas très étonnant : la plupart d’entre elles sont encadrées par des règles KYC (« Know Your Customer ») et anti-blanchiment très strictes, rendant extrêmement difficile l’encaissement de fonds sur un compte bancaire sans révéler son identité.
« À ce rythme, il faudra encore 114 ans pour pouvoir écouler le reste des fonds. Avec les technologies d’analyse de la blockchain, qui ont pu mettre en lumière les activités criminelles dont a été victime Bitfinex, il est devenu extrêmement difficile de tirer profit de manœuvres illicites », conclut Elliptic.