Alors que le Bitcoin est souvent considéré comme un moyen de générer un retour sur investissement, on en oublierait facilement l’une des fonctions principales de cette monnaie novatrice : pouvoir faire office de réserve de valeur décentralisée.
Les citoyens des pays marqués par l’hyperinflation, qui y voient un moyen de sécuriser leur patrimoine, peuvent ainsi s’inquiéter lorsque les autorités décident d’interdire purement et simplement l’usage de cet actif…
Crypto-monnaies : le Zimbabwe interdit « l’émission, la vente, l’achat, l’échange et l’investissement »
Le 11 mai dernier, de nombreux citoyens du Zimbabwe ont été profondément bouleversés par la décision de la banque centrale du pays d’interdire la possession, le trading et le transfert de Bitcoin.
Alors que cette mesure n’aura sans doute pas d’impact notable sur les crypto-marchés, ce sont les zimbabwéens qui se voient privés d’une alternative libre et centralisée, qui pouvait jusqu’ici leur permettre de contourner l’hyperinflation que traverse le pays – un pays qui émet d’ailleurs un billet de 100 000 milliards de dollars locaux :
Selon un article publié par NewsDay, la Reserve Bank of Zimbabwe (RBZ) a également imposé la fermeture des services offerts par les institutions financières aux sociétés Bitcoin, déclarant qu’elles « devaient cesser » ces relations commerciales d’ici aux 60 prochains jours.
Voici ce que Norman Mataruka, le registraire en chef de la RBZ, a déclaré dans une circulaire :
« En tant qu’autorité monétaire, la Reserve Bank of Zimbabwe est le dépositaire des fonds publics et a l’obligation de préserver l’intégrité des systèmes de paiement. »
M. Mataruka a déclaré que ce délai de 60 jours devait être mis à profit par les banques pour mettre fin à tout accord lié à des garanties, à des remises, à des enregistrements, à du trading ou à des prêts sollicités à travers des monnaies numériques.
La circulaire précise en outre que cette mesure est prise dans « l’intérêt du public », et qu’elle vise à protéger et à sauvegarder l’intégrité du système financier du pays.
Voici ce qu’a déclaré de son côté John Mangudya, le gouverneur de la banque centrale :
« La Reserve Bank of Zimbabwe n’a ni autorisé, ni agréé une personne, une entité ou une bourse pour proposer l’émission, la vente, l’achat, l’échange ou l’investissement dans des monnaies/coins/tokens virtuels au Zimbabwe. Les bourses telles que Bitfinance, Golix et Styx24 ne sont pas autorisées ou réglementées par la Reserve Bank. »
La décision de la RBZ, qui avait publié le mois dernier une circulaire présentant les risques associés au trading de crypto-monnaies – citant notamment la fraude, le piratage et la perte de données – fait suite à un récent avertissement de la Central Bank of Kenya (CBK), qui avait appelé le public à se détourner de ces actifs.
Dans l’intérêt du public, vraiment ?
The country that printed the most ridiculous note in human history, just banned banks from processing $CRYPTO related payments. Oh, the irony. #Bitcoin $btc pic.twitter.com/gkgIPxy4ls
— FK⚡ (@FedKassad) 14 mai 2018
Dans le contexte d’une crise financière mondiale, loin des rues animées de la ville de Harare, un ou plusieurs créateurs anonymes ont initié le monde à une forme numérique et chiffrée de la monnaie : le Bitcoin. Ce réseau de paiement de pair à pair, librement accessible, fonctionne sans aucune autorité centralisée.
Et à la démarche décentralisée du protocole s’ajoutait sa nature déflationniste, qui avait pour objectif d’offrir un modèle différent de celui des monnaies fiduciaires, traditionnellement inflationnistes.
Alors que de nombreux individus résidant dans des régions marquées par une forte inflation – comme le Zimbabwe, le Soudan du Sud ou le Venezuela – ont rapidement adopté le Bitcoin, qui s’est avéré moins risqué que la monnaie nationale, les organes de régulation de ces pays n’ont eu de cesse de fustiger les monnaies numériques décentralisées, en pensant probablement que celles-ci étaient en train de redonner du pouvoir à leurs peuples.
On s’étonnera des motifs avancé par le Zimbabwe pour justifier cette mesure, qui aurait été prise « dans l’intérêt du public » – alors que le pays souffre d’une hyperinflation sans précédent depuis l’an 2000, atteignant en 2008 un pic à 98% d’inflation journalière :
Il est ainsi normal pour les citoyens de se déplacer avec plusieurs milliards de dollars locaux pour faire leurs courses – alors que la RBZ présente pourtant le système financier en vigueur comme étant « sain et sécurisé ». De son côté, le Bitcoin a pu offrir à ces individus un moyen de sécuriser leurs détentions financières, en sachant que leur valeur ne devrait pas être divisée par 10 ou par 100 lorsqu’ils auront besoin d’y puiser des fonds.
C’est d’ailleurs cet engouement pour l’actif numérique qui a provoqué des prix très élevés sur les plateformes locales : alors que le BTC enregistrait en décembre dernier un record historique à plus de 20 000 dollars, celles-ci affichaient de leur côté des prix supérieurs à 30 000 dollars.
Malgré cette interdiction, le Bitcoin et les principales crypto-monnaies constituent sans doute encore le choix le plus sûr pour les zimbabwéens qui souhaitent sécuriser leur patrimoine – d’autant qu’aucun gouvernement ne peut véritablement interdire leur usage. Mais ils devront désormais faire preuve d’une grande discrétion.
Références : BTCManager, Newday, EconomicsHelp