S’affranchissant des obligations fiscales qui seraient sinon associées à leur nouvelle fortune, de riches investisseurs en crypto-monnaies se pressent vers Porto Rico pour y ériger une Cité idéale. De quoi provoquer l’inquiétude et la colère de certains locaux.
Bienvenue à « Puertopia »
Créer une utopie – baptisée “Sol” – qui s’appuierait uniquement sur les crypto-monnaies et la technologie blockchain.
Voici l’ambition que nourrissent certains « crypto-millionnaires » américains, qui ont décidé d’acheter leurs premiers biens immobiliers à Porto Rico, une île des Caraïbes en pleine reconstructions après avoir été décimée l’été dernier par l’ouragan Maria. Une reconstruction à laquelle pourraient participer ces riches détenteurs de crypto-monnaies, qui ont commencé à investir le vieux San Juan, un quartier fortifié prisé pour son architecture coloniale.
« Nous sommes des capitalistes bienveillants, et nous souhaitons mettre en place une économie bienveillante », explique Matt Clemenson, co-fondateur du site Lottery.com. « Porto Rico est restée ce trésor caché, une île enchanteresse qui a été constamment négligée et maltraitée. Peut-être que désormais, 500 ans plus tard, nous pouvons changer les choses ».
Ceux que l’on surnomme des « Puertopians » logent actuellement dans un hôtel de 2000 mètres carrés, qu’ils appellent « le Monastère ». Et ils lorgnent à présent sur la Roosevelt Roads Naval Station, qui héberge deux ports en eau profonde – ils aimeraient y ériger leur « Sol ».
Une fiscalité douce
Si ces riches investisseurs se tournent vers Porto Rico, au-delà de sa proximité avec leur ancien pays, c’est aussi parce que la fiscalité de l’île est particulièrement favorable aux citoyens américains.
Pas de taxes sur les gains du capital, alors que le taux d’imposition local est ramené à 4% pour certaines entreprises de services financiers – une fiscalité si douce qu’elle pourrait d’ailleurs avoir contribué à la crise que traverse le pays.
« Les États-Unis ne veulent pas de nous. Le pays cherche à étrangler cette économie », a déclaré au New York Times Hasley Minor, le fondateur de CNET et de Videocoin, en faisant référence à l’imposition des gains liés aux crypto-monnaies. « Il existe un réel besoin pour un lieu dans lequel les personnes pourront être libres d’innover ».
Et pour le moment, le gouvernement local semble enchanté de cet arrivée : le gouverneur s’exprimera lors de la conférence « Puerto Crypto », qui se tiendra en le mois prochain.
Un « crypto-colonialisme » ?
Car Porto Rico n’est surement pas étrangère à cette arrivée : l’île ne contraint pas ces nouveaux arrivants à renoncer à leur citoyenneté américaine pour bénéficier de tels avantages fiscaux – alors que les caisses sont vides.
Et certains ne voient pas cet exil d’un bon œil. C’est le cas de Robb Rill, le gestionnaire d’un fonds d’investissement, qui n’a pas la moindre intention de s’installer sur cette île :
« Ils m’ont appelé en me disant qu’ils allaient acheter 250 000 acres, afin de pouvoir mettre en place leur propre ville. Littéralement : ils veulent créer une ville à Porto Rico, afin d’avoir leur propre “crypto-world”. Je ne peux pas m’associer à cela. »
D’autres comme Andria Satz, une native du vieux San Juan, redoutent que ces Puertopians ne cherchent à exploiter l’île, et à y instaurer un « crypto-colonialisme » :
« Nous sommes un terrain de jeu fiscal pour les riches. Nous constituons un scenario de test pour tous ceux qui souhaitent mener des expérimentations. Les étrangers obtiennent des exonérations fiscales, et les locaux ne peuvent pas obtenir de licence ».
Malgré tout, certains commerçants et restaurateurs sont ravis d’accueillir ces millionnaire providentiels au sein d’une région en reconstruction. C’est le cas de Richard Lopez, qui gère une pizzeria dans la ville d’Arecibo : « Je pense qu’il s’agit d’une très bonne chose. Attirez-les avec la fiscalité, et ils dépenseront de l’argent ici ».
Références : Bitcoinist, NYTimes