Selon l’étude menée par un cabinet d’avocats, la société Tether Limited détenait 2,54 milliards de dollars dans ses caisses au 1er juin dernier – soit suffisamment de capitaux pour garantir la valeur des Tethers (USDT) en circulation.
Pour un cabinet d’avocats, Tether Limited serait solvable
L’ensemble des Tethers (USDTs) en circulation sont garantis par des dollars. C’est du moins ce qu’affirme Tether Ltd., la société qui émet cet actif numérique, en déclarant détenir environ 2,54 milliards de dollars sur ses comptes. Une information récemment confirmée par Freeh Sporkin & Sullivan LLP (FSS), le cabinet d’avocats cofondé par Louis Freeh, un ancien directeur du FBI.
Selon l’avocat général de Tether, si le cabinet n’a pas mené d’audit officiel, il a pu avoir accès pendant plusieurs semaines aux comptes de la société auprès de deux banques, ce qui lui a permis de rapporter les sommes qu’elle détenait au 1er juin dernier.
Et ce montant – évalué à 2,54 milliards de dollars – est légèrement supérieur à la valeur de l’ensemble des Tethers en circulation ce jour-là :
De quoi rassurer les investisseurs, puisque les Tethers sont censés constituer un substitut au dollar américain. Chaque USDT peut aini, en théorie, être échangé contre un dollar auprès de la société. Ce token avait été lancé pour permettre aux traders de se tourner facilement vers un actif numérique adossé à une valeur stable, qui soit protégé des fortes fluctuations des crypto-marchés.
Ces dernières semaines, Tether Limited a du faire face à des accusations selon lesquelles elle ne disposerait pas de suffisamment de dollars dans ses caisses pour pouvoir soutenir l’ensemble des Tethers émis – une inquiétude qui persistait malgré l’audit mené par la société Friedman LLP en septembre dernier. Celui-ci montrait que Tether Limited détenait assez de capitaux (442 millions de dollars) pour pouvoir échanger les Tethers qui étaient alors en circulation contre des dollars.
On se souvient qu’en décembre dernier, la Commodity Futures Trading Commission américaine avait fait parvenir une assignation à comparaître à Tether Limited – ce qui constituait, selon la société, une procédure habituelle :
« Nous recevons régulièrement des demandes juridiques de la part des agents des forces de l’ordre et des régulateurs, qui mènent des enquêtes. Nos pratiques veulent que nous ne commentions pas de telles demandes ».
« Impossible d’obtenir un audit »
Stuart Hoegner, l’avocat général de Tether Limited, a indiqué cette semaine à Bloomberg « qu’il [lui était] impossible d’obtenir un audit ». Il estime que les crypto-marchés sont encore trop récents pour que de grandes sociétés d’audit acceptent d’accompagner des clients proposant des actifs numériques.
« Les quatre grandes sociétés d’audit rejettent ce niveau de risque », avait-t-il déclaré dans un entretien.
Le cabinet FSS a indiqué ce mercredi avoir opté pour la date du 1er juin sans informer au préalable Tether Limited. Selon M. Hoegner, il avait accès aux comptes bancaires de Tether, à ses déclarations, tout en étant en lien avec des employés des institutions financières impliquées. L’homme a ajouté qu’il n’était pas en mesure de révéler le nom des deux établissements bancaires concernés, en particulier pour des raisons de confidentialité. Il rappelle que « les relations bancaires sont privées », et que Tether Limited n’a aucune obligation de rendre publics les noms de ces établissements.
Le Tether à l’origine de la flambée enregistrée fin 2017 par le Bitcoin ?
Pour de nombreux observateurs, le Tether constitue l’un des rouages essentiels des crypto-marchés. De nombreuses banques, du fait de craintes liées aux blanchiment d’argent, refusent d’offrir leurs services à des plateformes d’échange. Ainsi, Tether permet aux traders de sécuriser leurs investissements, sans avoir à passer par des transactions bancaires. Un effondrement de l’actif numérique pourrait limiter la marge de manœuvre des traders, mais surtout provoquer une forte crise sur les crypto-marchés.
Cette étude du FSS intervient une semaine après que John Griffin, un professeur de l’Université du Texas, ait déclaré que le Tether avait été utilisé l’année dernier pour faire gonfler artificiellement le prix du Bitcoin. Dans une note de recherche, il avait indiqué que la manière dont les Tethers avaient été utilisés pour acheter des BTCs pourraient laisser penser à une manipulation du cours de l’actif :
« Le Tether semble avoir été utilisé pour stabiliser et pour manipuler les prix du Bitcoin », avait-il conclu.
Le son de cloche est différent du côté de Tether Limited. JL van der Velde, le CEO de la société, nie cette affirmation :
« Nous avons constamment déclaré que le Tether était soutenu par des réserves en dollars, qui correspondaient ou qui excédaient la valeur des Tethers en circulation à un instant t. Nous sommes heureux d’avoir obtenu une vérification indépendante concernant cet élément, ce qui permet de répondre à certaines questions que se posait le public », a‑t-il déclaré dans un e‑mail.
Le groupe FSS a toutefois tenu à rappeler qu’il « n’était pas un cabinet de comptabilité, et qu’il n’avait pas effectué cet examen en s’appuyant sur les Generally Accepted Accounting Principles [ndlr : les principes et règles comptables en vigueur aux États-Unis] ». Il a ajouté qu’il n’avait pas effectué la moindre vérification concernant la situation qui prévalait avant et après le 1er juin 2018.
Références : Bloomberg, CoinMarketCap