PayPal a déposé un brevet visant à accélérer les délais des transactions effectuées en crypto-monnaies. Mais certains observateurs pointent du doigt les risques de centralisation, et estiment que la technologie qui est présentée a déjà été développée par une autre société.
La semaine dernière, on apprenait que Paypal avait déposé une demande de brevet auprès de l’US Patent and Trademark Office (USPTO) concernant une technologie censée accélérer le traitement des paiements en crypto-monnaies grâce à l’utilisation de portefeuilles « secondaires ».
PayPal cherche ainsi essentiellement à optimiser le traitement des paiements en monnaies numériques entre commerçants et acheteurs, sur les plateformes de vente en ligne. Les portefeuilles décrits dans cette demande permettraient d’avoir recours à des clés privées uniques, et d’éviter d’avoir à inscrire chaque transaction sur la blockchain d’un actif numérique.
Dans cette demande, Paypal indique que les systèmes de vérification des crypto-transactions actuels, en incluant des paiements dans des blocs, auraient limité le potentiel des actifs numériques comme le Bitcoin :
“Afin de s’assurer que la transaction Bitcoin se soldera par un transfert de BTC vers le bénéficiaire, celui-ci devra attendre que le processus de minage confirme la transaction avant de proposer des biens et/ou des services au payeur. Dans de nombreuses situations, un délai d’attente de 10 minutes sera trop élevé pour les payeurs et/ou les bénéficiaires, et ces derniers choisiront plutôt d’effectuer la transaction en utilisant des méthodes de paiement traditionnelles plutôt qu’en s’appuyant sur des devises numériques. Des questions comme celle-ci ont ralenti l’adoption des monnaies numériques, et ce en dépit de leurs avantages ».
Une technologie déjà développée par une autre société ?
Peter Todd, développeur Bitcoin Core et consultant en chiffrement, estime que PayPal tenterait ainsi de breveter une technologie qui existe déjà dans l’écosystème, et qui a été développée par Opendime.
Sounds like PayPal is trying to patent @OPENDIME#ShittyPatentshttps://t.co/zj7C80QR2d
— Peter Todd (@peterktodd) 5 mars 2018
Fondée en 2016 par un membre de Coinkite, Opendime propose un portefeuille Bitcoin « hardware » doté d’une sécurité multi-signatures. Il permet de faciliter les paiements en monnaie numérique, en offrant aux utilisateurs la possibilité de transférer des Bitcoins grâce à des clés privées uniques.
Opendime est très différent des portefeuilles que l’on connaît, comme ceux de Trezor et de Ledger, qui peuvent être réutilisés à l’envi. De son côté, il se compose d’une clé USB qui ne peut être utilisée qu’une seule fois. Il doit par ailleurs être détruit par l’utilisateur afin qu’il puisse disposer des fonds qui y sont stockés.
La technologie que souhaite breveter PayPal et celle sur laquelle s’appuie OpenDime seraient similaires, dans la mesure où les clés privées sont, dans les deux cas, échangées en dehors de la blockchain. Voici la manière dont les équipes d’Opendime présentent cette technologie :
« Comme nous plaçons les clés privées sous une forme physique, dans laquelle vous pouvez avoir confiance, vous pouvez simplement manipuler des unités Opendime pour transférer les sommes voulues. Et Opendime ne prévoit aucun montant de bitcoin prédéfini : entreposez‑y autant ou aussi peu que nécessaire ».
Le processus sur lequel s’appuie ce portefeuille semble ainsi très proche de celui que souhaite développer Paypal :
« Les systèmes et les méthodes de divulgation actuels permettent au bénéficiaire de ne pas avoir à attendre pour s’assurer qu’il recevra bien un paiement en monnaie numérique au cours de la transaction. Ceci fonctionne en lui transférant les clés privées qui sont incluses dans les portefeuilles, et qui sont associées à des montants prédéfinis qui correspondent au montant du paiement figurant dans la transaction. »
Les risques liés à la confidentialité des données
Dans le même temps, de nombreuses sociétés ont commencé à se tourner vers les actifs numériques.
C’est le cas en Corée du Sud, où Yeogieottae, une grande plateforme de réservation hôtelière en ligne, s’est associée à Bithumb afin de pouvoir accepter les paiements en crypto-monnaie. Au Japon, des géants comme Capsule, un opérateur de chaînes hôtelières, la compagnie aérienne Peach ou encore Bic Camera, un vendeur de produits électroniques, acceptent depuis un certain temps déjà les paiements en Bitcoin.
Le nouveau système de traitement des paiements en crypto-monnaie que Paypal souhaite mettre en place, associé à des frais faibles et à des paiements quasi-instantanés, pourrait permettre aux entreprises de traiter facilement ce type de paiements. Mais certains redoutent toutefois les risques liés à une trop grande centralisation.
Car Paypal explique qu’elle pourrait s’appuyer sur un fournisseur de périphériques de services de paiement – ce qui pourrait aboutir à la mise en place d’un système centralisé destiné à superviser les transferts de clés privées.
« Dans un exemple concret, un prestataire de services de paiement comme par exemple, PayPal, Inc. of San Jose, Calif.., pourrait utiliser un fournisseur de services de paiement pour exécuter la méthode 100 [ndlr : la méthode du système PayPal de transfert de clés privées] et dans certains cas il pourrait fonctionner en coopération avec un ou plusieurs autres fournisseurs de systèmes (via leurs dispositifs) et/ou des utilisateurs (via leurs périphériques) pour exécuter la méthode 100 décrite ici ».
Owen Williams, l’animateur d’un podcast dédié aux nouvelles technologies, a dévoilé la semaine dernière les résultats du Règlement général sur la protection des données, qui a révélé que PayPal communiquait certaines données financières de ses clients à plus de 600 entités.
Thanks to GDPR, now we know who PayPal shares data with (600+ entities) https://t.co/Fz97Ec3GLA pic.twitter.com/JKCQk4vCH1
— ⚡ Owen (@ow) 4 mars 2018
La supervision des clés privées pourrait engendrer des vulnérabilités, et semble être de nature à susciter des craintes liées à la vente de données. Espérons que PayPal puisse rectifier le tir en proposant des portefeuilles « indépendants,« qui pourraient permettre aux commerçants et aux utilisateurs de garder un contrôle total sur leurs clés privées pendant l’intégralité du processus de paiement.
Référence : CoinTelegraph