Ceci est la traduction d’un article publié ce week-end sur CCN et rédigé par Joseph Young, un observateur avisé de l’écosystème blockchain. Le « je » qui s’exprime ici est le « je » de l’auteur. N’hésitez pas à consulter l’article d’origine en cliquant sur ce lien, et à suivre Joseph Young sur Twitter.
Cette semaine, j’ai déclaré sur Twitter que la création de crypto-monnaies, comme le Bitcoin ou l’Ether, est bien moins énergivore que ne l’est celle de monnaies fiduciaires. Et j’ai eu droit aux réponses suivantes : « Ce n’est pas vrai, une fois que les monnaies fiduciaires sont frappées ou imprimées, elles ne supposent aucun coût énergétique supplémentaire ».
Bitcoin and cryptocurrency have an energy problem ?
People at the FED don’t sit around painting Benjamin Franklin all day on pieces of paper with watercolor to make $100 bills. It costs energy, electricity, & manual labor.
It costs significantly less to produce cryptocurrencies.
— Joseph Young (@iamjosephyoung) 24 mai 2018
Pour être plus clair, j’aurais probablement dû parler de « ressources » plutôt que d” »énergie ». Car les monnaies fiduciaires nécessitent bien plus de ressources que ce dont ont besoin les crypto-monnaies.
Les monnaies fiduciaires, plus gourmandes en ressources
Actuellement, la grande majorité des individus comparent l’électricité dédiée au minage de Bitcoin à celle utilisée par les banques centrales, comme la Réserve Fédérale américaine (FED), pour imprimer des billets. Et ils ne prennent pas en compte les heures de travail, l’énergie et l’électricité nécessaires à la distribution et au transfert de cet argent.
En effet, pour que le système puisse fonctionner, les monnaies fiduciaires supposent l’intervention de banques commerciales, de banques centrales, de distributeurs, de véhicules blindés, ainsi que de centaines de milliers d’employés. La banque centrale – en l’occurrence la FED – n’est pas capable de distribuer comme par magie des dollars au pied de la porte de tous les américains. Elle verse cet argent aux banques et à leurs partenaires, qui distribuent ensuite ces dollars à tous les pans de l’économie.
Pour fonctionner, le cash nécessite une infrastructure massive. Ainsi, rien qu’aux États-Unis, plus de 6 000 banques différentes traitent les transactions financières. Et de nombreuses personnes n’utilisent que rarement l’argent dans sa forme physique pour réaliser des transactions. Elles s’appuient sur des prestataires de services et des banques tels que JPMorgan, Visa ou MasterCard pour effectuer des paiements. Les niveaux de ressources et d’énergie que ces sociétés et leurs centaines de milliers d’employés consomment devraient être pris en compte lorsque l’on tente une comparaison entre le niveau d’énergie utilisé par le Bitcoin et celui consommé par les banques.
Le Bitcoin constitue un réseau financier de pair à pair – et du fait de sa nature décentralisée, aucun tiers n’est requis pour effectuer des transactions. Alice peut ainsi envoyer l’équivalent de 100 dollars à Bob en diffusant une transaction dans la « mempool », qui est ensuite prise en charge par les mineurs pour être traitée. En retour, ces derniers sont récompensées en recevant les Bitcoins et les frais de transaction liés au bloc concerné.
Ainsi, même s’il est vrai que le minage de crypto-monnaies nécessite plus d’électricité que la production de billets, il est faux de déclarer que les ressources utilisées par le réseau Bitcoin sont plus importantes que celles qui sont utilisées pour gérer des transactions en monnaies fiduciaires, et pour distribuer des pièces et des billets. En effet, la majeure partie de l’énergie utilisée par les mineurs sert à confirmer et valider des transactions, ce que les banques effectuent déjà de manière globale.
Les crypto-monnaies se tourneront vers des méthodes plus efficientes
John Lilic, membre du studio de développement blockchain ConsenSys, a rappelé que les coûts rapportés au nombre de transactions étaient significativement plus élevés du côté des crypto-monnaies, ce qui est indéniable. Et les grandes banques comme JPMorgan traitent chaque jour des milliers de milliards de dollars.
M. Lilic estime toutefois que, sur le long terme, les projets blockchain se tourneront vers méthodes plus efficientes pour traiter des transactions et des informations :
« Le coût unitaire de chaque transaction est significativement plus élevé avec les crypto-monnaies. Les “data centers” des banques sont bien plus efficients que ne le sont les opérations de minage, et les systèmes traditionnels peuvent traiter quotidiennement bien plus de transactions que ne peuvent le faire les crypto-actifs. Pour ce qui a trait à la question énergétique, nous avons besoin d’éléments spécifiques, pas de simples suppositions.
La vraie question consiste à savoir si les coûts liés à l’inefficience énergétique des crypto-monnaies sont compensés par leurs atouts, comme le fait de jouir d’un contrôle total sur ses actifs. Je pense que oui ! Cela vaut largement le coup, mais seulement si notre secteur continue à élaborer des solutions qui permettent d’obtenir une meilleure efficacité énergétique, comme par exemple la preuve d’enjeu (« Proof-of-Stake »).
Alors que les crypto-monnaies et la technologie blockchain deviennent plus matures, elles pourront donner naissance à des algorithmes de consensus et à des méthodes de minage qui pourraient leur permettre de limiter, à terme, les dépenses énergétiques induites par l’écosystème.
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Référence : CCN