« Le Bitcoin n’est pas une monnaie » : voici une phrase souvent prononcée par des observateurs qui estiment que cet actif numérique, dont la valeur n’est soutenue par aucune institution, ne peut être qualifié comme tel.
Pourtant, à l’aune des caractéristiques du BTC, il semble bien difficile de pouvoir justifier un tel point de vue.
Une révolution de l’argent
Avant d’évoquer ses caractéristiques, intéressons-nous à l’arrivée de cet actif numérique, au lendemain de la crise bancaire et financière de 2008.
Le Bitcoin constitue sans doute l’expérimentation monétaire la plus retentissante de l’Histoire.
En moins de 10 ans d’existence, l’invention du mystérieux Satoshi Nakamoto pèse désormais plus de cent milliards de dollars. Et la technologie blockchain qui a ainsi été mise au point, et sur laquelle lorgnent startups et grandes entreprises, n’en est sans doute encore qu’à ses débuts.
Mais s’agit-il véritablement d’une monnaie, au même titre que l’euro, le dollar ou le yen ?
D’après la Réserve fédérale des États-Unis, pour mériter une telle appellation, une monnaie doit comporter 6 caractéristiques : la durabilité, la portabilité, la divisibilité, l’uniformité, une offre limitée, ainsi qu’une acceptabilité.
S’il n’est encore possible de payer en Bitcoin que dans un nombre limité de commerces, il est permis de penser que l’actif numérique remplit les autres critères – en parvenant même à dépasser les monnaies fiduciaries sur ceux-ci.
Intéressons-nous à cinq de ses caractéristiques – des caractéristiques qui permettent de comprendre pourquoi le Bitcoin est venu, pour beaucoup, donner un nouveau souffle à la notion même de monnaie.
1. Un bien durable
Le Bitcoin offre aux utilisateurs la possibilité de devenir « leur propre banque » – un pouvoir qui suppose toutefois certaines précautions en matière de sécurité.
En effet, l’actif a été conçu pour que seule la personne qui détienne la clé privée associée à un portefeuille puisse avoir le contrôle de celui-ci.
Alors que certains remplissent des valises de lingots d’or ou de billets, un utilisateur de Bitcoin va ainsi pouvoir « stocker » facilement autant d’argent qu’il le souhaite sur une unique adresse. Et les coûts de stockage seront nuls, quels que soient les montants concernés – qu’il s’agisse de conserver un dollar ou un milliard de dollars de BTC.
Le concept de durabilité n’est donc plus pertinent, dont la mesure où l’argent est détenu sous une forme numérique, et que sa possession est enregistrée un réseau mondial d’ordinateurs.
A l’inverse, les coûts associés au stockage de billets, ou plus particulièrement à celui de l’or, sont associés à des prix élevés – et c’est d’ailleurs pour assurer cette tâche que les premières banques avaient été créées.
2. Un actif facile à transporter et à envoyer
Envie d’envoyer plusieurs milliers d’euros à l’autre bout du monde ? Avec le Bitcoin, c’est possible : comptez quelques euros pour transférer, en seulement quelques minutes, la somme que vous souhaitez.
Et vous n’avez alors pas besoin de faire appel à un tiers, qui pourrait être indisponible la nuit, le week-end ou les jours fériés.
Avec les monnaies fiduciaires, c’est déjà plus compliqué. Les virements bancaires supposent des délais d’attente de plusieurs jours. Par ailleurs, il est impossible d’emporter à l’étranger plus de 10 000 euros en espèces sans déclarer ces sommes à la douane. Il vous faudra alors présenter les raisons pour lesquelles vous transportez une telle somme… sous peine d’avoir à payer de lourdes amendes.
Le Bitcoin contourne cet élément. Ce qu’il faut comprendre, c’est qu’il est, techniquement, impossible de « détenir » des Bitcoins sur un smartphone ou un wallet hardware. Ces périphériques ne contiennent qu’une clé, qui offre à l’utilisateur un accès à ses fonds – ses BTC sont « stockés » sur le réseau Bitcoin, prêts à être utilisés dès qu’il en aura besoin.
L’usager du réseau aura également la possibilité de mémoriser une simple « phrase secrète », qui pourra lui permettre de contrôler ses fonds dans le monde entier, à partir de n’importe quel ordinateur.
3. Le Bitcoin est très facilement divisible
Même si l’or est divisible, le fait de scinder en lingot en 10, 100 ou 1000 unités est particulièrement compliqué. Il faudra s’armer de patience, et disposer du matériel adéquat pour faire fondre ou couper le métal.
De son côté, le Bitcoin peut être divisé en 8 décimales. La plus petite unité est appelée satoshi – elle correspond à un centième de millionième de Bitcoin (0.00000001 ฿).
Au prix actuel, il s’agit de 0,0000825782 dollars.
Cette divisibilité, qui pourrait paraître à première vue peu utile, va offrir de nombreuses opportunités : on peut penser à un système de pourboire grâce auquel des milliers d’utilisateurs enverraient quelques fractions de centimes à un créateur de contenus, à des articles qu’il serait possible de débloquer contre quelques centaines de satoshis,…
4. Une « rareté numérique »
Le Bitcoin est parvenu, en se prémunissant contre la fraude de la double-dépense, à introduire le concept de « rareté numérique ». Avec une offre limitée à 21 millions, les participants peuvent avoir la (quasi-)certitude que personne ne parviendra jamais à créer artificiellement des Bitcoins.
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Du côté des monnaies fiduciaires, la donne est toute autre, puisque ce sont les banques centrales qui décident de l’offre émise :
Afin de protéger les actifs de ses usagers, le réseau Bitcoin a été conçu pour empêcher une attaque potentielle. Tout d’abord, il est plus profitable pour l’ensemble des acteurs de « jouer le jeu » du réseau, plutôt que de tenter de mettre en place une fraude.
Ensuite, il faudrait disposer d’un pouvoir de calcul gigantesque pour pouvoir « pirater » le réseau. C’est ce qu’avait expliqué Andreas Antonopoulos, un défenseur de longue date du Bitcoin :
« Vous pourriez affecter le réseau avec des niveaux de puissance de calcul gigantesques, des centaines d’hexahashes par seconde, une puissance qui n’existe pas pour l’instant sur la planète. Supposons que vous y parveniez. Vous avez désormais la possibilité d’affecter des centaines de blocs. Vous pouvez réécrire l’histoire de cette après-midi, mais pas celle d’hier, et encore moins celle de la semaine dernière. »
Notons toutefois qu’une étude parue l’année dernière montrait que le réseau pourrait être piraté, dans quelques années, par des ordinateurs quantiques. On peut toutefois imaginer que les acteurs de l’écosystème Bitcoin parviendront à trouver, d’ici là, une parade face à une éventuelle menace quantique.
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Enfin, on peut parler d’uniformité dans le sens où un BTC peut être perçu comme étant totalement identique à un autre BTC. Certains tenants des crypto-monnaies anonymes pourraient toutefois démentir cette affirmation, en indiquant que certains BTCs, qui auraient pu servir dans le cadre de piratages ou de transactions illégales, pourraient s’être « dépréciés » – en n’étant, par exemple, plus acceptés par certaines plateformes d’échange.
5. Une monnaie décentralisée et apolitique
Il s’agit probablement du concept le plus important introduit par le Bitcoin.
Que vous soyez une mère au foyer, un jeune étudiant ou un criminel, le Bitcoin s’en moque complètement. Il s’agit seulement d’une technologie – un protocole – qui permet de transférer et de stocker de la valeur, au même tire que l’Internet permet de transférer et de stocker des données.
Le Bitcoin offre ainsi à l’ensemble des individus la possibilité d’ouvrir un compte, et de bénéficier de services bancaires de base. Et même si l’actif est souvent décrié pour sa volatilité, de nombreux individus (au Zimbabwe, au Venezuela,…) semblent lui faire plus confiance qu’à la monnaie nationale, dont la valeur s’érode à coup de politiques monétaires inflationnistes.
Ainsi, le réseau Bitcoin est totalement neutre : les données ne sont pas traitées différemment selon la nature, la fonction ou l’histoire de la personne qui est à l’origine d’un transfert.
La nature apolitique et décentralisée du Bitcoin pourrait avoir été évoquée dans un message de Satoshi Nakamoto, inscrit dans le genesis block – le premier bloc de la blockchain du Bitcoin. Voici ce que l’on peut y lire :
The Times 03/Jan/2009 Chancellor on brink of second bailout for banks.
Ce message fait référence au titre d’un article du Times, publié le 3 janvier 2009. Il permet, d’une part, de prouver que le bloc concerné n’a pas été créé avant le 3 janvier. Mais il s’agit sans doute également d’adresser une pique au système bancaire, qui tentait alors de trouver des solutions à la crise bancaire et financière.
Et ce n’est pas tout…
Le Bitcoin ne représente pas une technologie statique.
Car de nombreuses innovations affluent. Plusieurs propositions pour optimiser et améliorer les paiements sont dans les cartons – des propositions qui devraient lui permettre d’offrir des transactions plus rapides, moins coûteuses, plus confidentielles, avec un réseau plus décentralisé.
Certains diront que l’utilisation du Bitcoin est encore relativement complexe pour des néophytes. D’autres vont fustiger la lenteur et le coût du réseau, qui avaient flambé à la fin de l’année 2017.
Mais comme pour toute technologie, il faudra sans doute patienter plusieurs années avant que le réseau ne puisse s’adresser à un public bien plus large.
Et l’on peut penser que la croissance de son taux d’adoption pourrait être bien plus rapide que celle de l’automobile, de l’aviation ou même des ordinateurs – en partie grâce à une infrastructure (l’internet) qui est déjà bien en place.
Référence : Bitcoinist