Ceci est la traduction libre d’un article paru sur CoinTelegraph. Il permet de bien comprendre l’influence de la Corée du Sud sur les marchés des crypto-monnaies – et les raisons pour lesquelles de nombreux observateurs s’inquiètent d’une possible fermeture, dans les prochains mois ou les prochaines années, des plateformes locales.
N’hésitez pas à consulter l’article d’origine en cliquant sur ce lien.
1. Quelle est l’influence de la Corée du Sud sur l’écosystème ?
La Corée du Sud ferait partie, avec les États-Unis et le Japon, des principaux marchés pour les crypto-monnaies.
Avec 51 million d’habitants, le pays est pourtant moins peuplé que la France – son influence est liée à l’engouement que suscite cet écosystème auprès de nombreux locaux.
Car avec moins d’1% de la population mondiale, la Corée du Sud serait pourtant à l’origine de 20% des volumes d’actifs numériques échangés.
2. D’où proviennent les écarts de prix que l’on peut constater entre les plateformes sud-coréennes et les autres ?
Selon la Blockchain Industry Association, on retrouverait dans le pays plus d’une douzaine de plateformes d’échange de crypto-monnaies – au premier rang desquelles Upbit, Bithumb, Coinone ou encore Korbit.
Et ce qui intrigue sur ces plateformes, ce sont les prix qui sont affichés : ils sont très souvent bien supérieurs à la moyenne mondiale, avec des cours pouvant les dépasser de 30 à 50%.
Dans le même temps, on retrouve en Corée du Sud un taux d’adoption extrêmement élevé pour ces actifs. D’après cette étude, plus du tiers des sud-coréens salariés ont déjç acheté des monnaies numériques. Ils détiendraient, en moyenne, l’équivalent de 5000 dollars de crypto-monnaies.
Tony Lyu, l’ancien PDG de Korbit, justifiait ces écarts de prix en déclarant que « le bouche à oreille fonctionne extrêmement bien en Corée : une fois que certaines personnes ont investi dans un actif, elles incitent les autres à faire de même. On assiste ainsi à un fort mouvement communautaire autour du Bitcoin. »
Pour d’autres, comme Kwak Keumjoo, professeur en psychologie au sein de l’université nationale de Séoul, les habitants seraient prêts à payer plus cher qu’ailleurs pour des « actifs indépendants du pays » – un pays jugé politiquement instable, alors que la présidente Park Geun-hye, empêtrée dans un scandale de corruption, avait été destituée l’année dernière.
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3. Qu’est-ce qui s’est récemment passé du côté des marchés sud-coréens ?
Beaucoup de choses.
Tout avait commencé en juillet 2017, lorsque Séoul avait décidé de légaliser l’activité des prestataires de services de l’écosystème Bitcoin – permettant ainsi de faciliter les paiements, les transferts et les échanges de crypto-monnaies. Ceci semble avoir participé à la flambée de la demande pour ces actifs dans le pays.
En août 2017, on apprenait que des pirates nord-coréens s’étaient attaqués à des plateformes d’échange locales, et en septembre, de premières rumeurs apparaissaient – des rumeurs selon lesquelles Séoul aurait prévu d’imposer des régulations plus strictes autour de cet écosystème.
En septembre, la Corée du Sud dépassait la Chine en termes de volumes d’échange – et Bithumb gérait alors plus de volumes de transactions que Bitfinex et Bittrex réunies.
En décembre 2017, après que le gouvernement ait décidé d’interdire les contrats à terme sur le Bitcoin (alors qu’il n’avaient pas encore été mis sur le marché), les rumeurs liées à une interdiction du trading s’intensifiaient.
4. Et pour 2018 ?
Des débuts difficiles pour l’écosystème
Le gouvernement avait annoncé en janvier qu’il souhaitait faire fermer les comptes de trading anonymes, afin de limiter la spéculation autour des actifs numériques. Peu de temps après, CoinMarketCap avait décidé de ne plus prendre en compte les prix des plateformes d’échange sud-coréennes pour calculer ses moyennes de cours, du fait de fortes disparités avec les autres sites.
La valorisation des marchés avait ainsi perdu brusquement 35 milliards de dollars de valorisation, ce qui avait déclenché dans la foulée une tendance baissière – montrant ainsi la forte influence de la Corée du Sud (mais aussi celle de CoinMarketCap) sur l’écosystème.
Dans le même temps, les craintes liées à une interdiction se sont intensifiées : le ministre de la Justice avait déclaré qu’il souhaitait faire fermer les plateformes de trading, avant d’être désavoué par le bureau du Président.
5. Sur quoi s’appuient les traders de crypto-monanies en Corée du Sud ?
Ils utilisent principalement des comptes bancaires en ligne (« virtual bank accounts »).
Des institutions financières telles que la Shinhan Bank – la deuxième plus grande banque du pays – offrent des comptes bancaires aux plateformes d’échange locales. Ces comptes peuvent être divisés en plusieurs milliers de « sous-comptes », qui peuvent ensuite être utilisés par les investisseurs pour déposer ou retirer des montants importants de won sud-coréens, sans avoir à s’appuyer sur des comptes bancaires « réels ».
Il s’agit d’ailleurs de l’un des facteurs qui a pu nourrir l’engouement suscité par les crypto-monnaies dans le pays. Désormais, ces comptes sont surveillés étroitement par le gouvernement, qui redoute que de l’argent sale n’afflue à travers les crypto-marchés.
6. Est-ce que certaines interdictions pourraient se concrétiser ?
Cela a déjà été, en partie, le cas.
Le gouvernement a commencé à se rendre compte des fortes fluctuations du marché des crypto-monnaies en septembre 2017. Deux mois plus tard, il révélait qu’il comptait faire fermer les comptes de trading anonyme, afin notamment de limiter le blanchiment d’argent – une fermeture entrée en vigueur le 30 janvier dernier.
En novembre, Lee Nak-Yeon, le premier ministre sud-coréen, déclarait que le Bitcoin pourrait encourager les jeunes du pays à s’adonner à des activités illicites – en les incitant à se tourner vers le trafic de stupéfiants ou la mise en place de systèmes pyramidaux.
Et même si de nombreux médias avaient indiqué, à tort, que le pays allait imposer « une régulation plus stricte autour des crypto-monnaies », le ministre des finances Kim Dong-yeon avait rassuré les acteurs de l’écosystème, en déclarant le 31 janvier 2018 qu’il n’avait « pas l’intention » d’interdire ces plateformes d’échange.
7. Y a‑t-il d’autres choses à savoir ?
Oui, malheureusement.
En plus de cette confusion, certains membres du gouvernement ont été accusés de délit d’initié.
Et Séoul a annoncé qu’elle comptait imposer les gains générés par les plateformes d’échange au taux de 24,2% – un taux similaire à celui auquel doivent se soumettre l’ensemble des entreprises qui génèrent plus de 20 milliards de won par an (15,5 millions d’euros).
Au-delà de l’interdiction du trading anonyme, le pays va également empêcher les étrangers et les traders âgés de moins de 18 ans d’ouvrir des comptes sur les plateformes d’échange.
8. Comment Séoul compte-t-elle mettre en place ces interdictions ?
Principalement à travers des questionnaires financiers.
Le gouvernement a gelé l’ouverture de nouveaux comptes bancaires en ligne pour les traders de crypto-monnaies. Et ceux-ci n’ont désormais plus la possibilité de déposer des monnaies numériques sur les portefeuilles des plateformes d’échange, à moins que le nom utilisé pour créer leur compte soit identique à celui qui apparaît sur leur compte bancaire.
Les autorités financières ont également demandé à ces plateformes de revoir leurs systèmes « Know Your Customer » (KYC) et anti-blanchiment d’argent.
9. Quels vont être les effets de ces régulations sur l’écosystème mondial ?
Sur le court terme, les effets sont notables.
Du fait de la taille du marché sud-coréen, les décisions réglementaires du pays peuvent fortement impacter les marchés mondiaux.
Sur le long terme, c’est plus difficile à dire. On peut penser que les marchés pourront s’ajuster, et qu’il ont déjà eu le temps de se préparer, en partie, à un tour de vis potentiel du côté de Séoul.
En janvier dernier, on apprenait que le gouvernement comptait mettre en place un cadre réglementaire plus strict autour des actifs numériques. Cette décision semble avoir pu – avec d’autres facteurs – participer à l’effondrement des marchés, qui s’étaient dépréciés de plus de 40% en l’espace d’une seule journée.
Mais cette baisse avait pu être enrayée, et les cours mondiaux avaient ensuite rapidement retrouvé des couleurs.
Dans la mesure où la spéculation joue encore un rôle important dans la fixation du prix des crypto-monnaies – qui sont encore bien souvent associées à des projets encore naissants – des modifications des règles qui entourent les places les plus importantes (comme la Corée du Sud) peuvent avoir des répercussions importantes sur les prix d’échange qui prévalent à travers le monde.
Pourtant, les fondamentaux des actifs concernés restent identiques. Et on peut donc imaginer que même si les impacts sur les marchés sont conséquents, à court terme, ceux-ci parviendront à se remettre d’une éventuelle augmentation des pressions réglementaires – comme ce fut le cas après la décision de la Chine d’interdire les plateformes de trading locales.
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Références : CoinTelegraph, BTCManager