Si le prix du Bitcoin a dépassé ce matin la barre des 15 000 dollars, il convient de préciser qu’il s’agit là d’une moyenne, établie en fonction des prix constatés sur les plateformes d’échange.
Et lorsque l’on s’intéresse aux différents niveaux de prix de la monnaie numérique, on peut être frappé de constater les écarts entre les plateformes. On réalise ainsi qu’il existe un écart de près de 3 500 dollars entre le prix auquel s’échange le Bitcoin sur Bitfinex, la première plateforme internationale, et celui qui prévaut sur Bithumb, la première plateforme sud-coréenne :
Il s’agit du « même » Bitcoin… et pourtant un site l’affiche à 14 200 dollars, et l’autre à 17 600 dollars – soit une « prime » de près de 25%. Mais quelles sont les raisons d’un tel écart ?
Une offre limitée
D’après les données fournies par CoinMarketCap, la paire BTC/KRW s’échange actuellement sur quatre plateformes : Bithumb, Coinone, Korbit et Coinnest.
Le prix proposé par celles-ci, lors de la rédaction de cet article, était compris entre 17 700 et 17950 dollars (en se basant sur le taux de change entre le won sud-coréen et le dollar).
Et la paire BTC/KRW correspondait à 14% des échanges mondiaux faisant intervenir le Bitcoin.
Le problème ne semble donc pas être lié à la taille du marché, qui devrait être suffisamment liquide pour que celui-ci puisse fonctionner « correctement ». Il va nous falloir trouver d’autres explications à ces écarts de prix conséquents.
« Un fort mouvement communautaire »
Depuis plusieurs mois, la demande pour la monnaie numérique a fortement augmenté dans le pays – aussi bien du côté des investisseurs institutionnels que de celui des petits épargnants.
Tony Lyu est le fondateur et ancien PDG de Korbit, une grande plateforme sud-coréenne d’échange de crypto-monnaies. Il a récemment tenté d’expliquer pourquoi le Bitcoin semblait si populaire dans son pays.
“Le bouche à oreille fonctionne très bien en Corée. Une fois que certaines personnes ont investi dans un actif, elles incitent les autres à faire de même. On assiste ainsi à un fort mouvement communautaire autour du Bitcoin », a expliqué M. Lyu.
Et ces personnes n’hésitent pas à acheter le Bitcoin à un prix plus élevé sur une plateforme locale, qui leur a été recommandée, plutôt que de tenter leur chance sur une plateforme occidentale comme Bitfinex. On sait toutefois que certains sites, comme Coinbase, n’acceptent pas, pour l’instant, les clients sud-coréens.
S’il ne s’agit pas d’un comportement économiquement rationnel, on peut comprendre cette démarche qui consiste à utiliser un site qui a été recommandé par un proche.
Pour Kwak Keumjoo, professeur en psychologie au sein de l’université nationale de Séoul, cette hausse de la demande pour le Bitcoin serait en partie liée à l’instabilité politique qui règne dans le pays. En effet, la présidente Park Geun-hye, empêtrée dans un scandale de corruption, a été officiellement destituée en mars dernier.
« Les gens cherchent à se rassurer en achetant un actif qui soit indépendant du pays », a expliqué Mme Kwak.
Notez que le gouvernement ne semble pas enthousiaste face à cet engouement. La Financial Services Commission du pays a émis cette semaine une directive qui interdira aux sociétés financières de proposer des contrats à terme sur le Bitcoin. Le premier ministre sud-coréen avait quant à lui récemment déclaré que le Bitcoin « pouvait encourager les jeunes populations à s’adonner à des activités illicites ».
Des opportunités d’arbitrage
Ces écarts de prix semblent avoir fait les affaires de certains traders, qui peuvent générer des profits en achetant des Bitcoins sur des plateformes européennes, pour les revendre ensuite à un bien meilleur prix sur des plateformes sud-coréennes.
George Kikvadze, vice-président de la société de minage Bitfury, a ainsi indiqué qu’il parvenait à générer de l” »argent facile » en tirant profit des écarts de prix entre les plateformes occidentales et les sites sud-coréens :
Mais il est compliqué de profiter de telles opportunités d’arbitrage. Il serait difficile d’y parvenir sans s’appuyer sur un local, qui se chargeait de conduire les transactions en lieu et place d’un étranger.
Les plateformes sud-coréennes sont extrêmement strictes au sujet des lois contre le blanchiment d’argent et contre le financement du terrorisme. Les internautes qui souhaitent s’inscrire sur ces sites doivent par ailleurs leur faire parvenir un justificatif de revenus, et se soumettre à un entretien par webcam.
D’après CryptoCoinsNews, pour qu’un investisseur étranger puisse revendre des Bitcoins en Corée du Sud, il doit respecter trois règles :
- posséder un compte bancaire dans son pays
- posséder un compte bancaire sud-coréen, ce qui est difficile pour un étranger
- trouver un moyen de transférer ensuite les fonds de la Corée du Sud vers son pays
Les écarts de prix que l’on constate pourraient être liés à ce verrouillage des plateformes.
En effet, si tous les occidentaux avaient la possibilité de s’inscrire sur Bithumb, ils n’hésiteraient pas à revendre des Bitcoins sur la plateforme, à un prix élevé. Ceci provoquerait une forte augmentation de l’offre de BTC sur le site, ce qui pourrait venir diminuer son prix – jusqu’à ce qu’il devienne proche de celui que l’on peut constater sur les plateformes occidentales.
Références : Cryptocoinsnews, Fortune