Une journaliste néerlandaise est venue grossir les rangs des détracteurs du Bitcoin, en invitant les lecteurs à vendre leur monnaie numérique, considérant que celle-ci était « dangereuse ».
Dans une tribune publiée ce samedi, Sandra Phlippen, économiste en chef pour le site d’information AD.nl, soutient que le « bitcrash » est dangereux, dans la mesure où aucune institution financière n’est là pour le contrôler, et qu’il pose une menace à l’économie. Cet article a suscité de vis débats – et pour certains, il est difficile de savoir s’il s’agit là d’une exagération volontaire ou d’une nouvelle attaque alarmiste visant la monnaie numérique.
C’est de la faute du Bitcoin
D’après la loi de Poe, « sans indication claire de l’intention de l’auteur d’un écrit, il est difficile ou impossible de faire la différence entre un propos réellement outrancier et une exagération volontaire à des fins parodiques. »
Cette loi s’applique-t-elle à « Bitcrash, ou la raison pour laquelle vous devriez vendre [vos Bitcoins] immédiatement, » cet article publié par Sandra Phlippen ?
Difficile à dire… Dans cette tribune, elle s’en est pris au Bitcoin en évoquant les sempiternels arguments du blanchiment d’argent et de l’évasion fiscale – mais sans donner le moindre chiffre, ou citer la moindre étude. Cette réflexion semble se limiter à la vision d’une économiste qui a peut-être découvert l’existence du Bitcoin il y a quelques semaines, et qui n’aurait pas pris soin de mener les recherches nécessaires.
Elle aurait pu par exemple mentionner cette étude que nous vous avions présentée il y a quelques jours. Si celle-ci indique que le Bitcoin était effectivement principalement utilisé pour des motifs illégaux il y a quelques années, la majorité des portefeuilles BTC serviraient désormais à conduire des transactions licites.
L’économiste s’attaque également à la consommation d’énergie liée au minage du Bitcoin. Elle évoque une « puissance de calcul très nuisible pour l’environnement. »
Elle n’a pas tort sur ce point, puisque le Bitcoin consomme effectivement plus d’électricité que 159 pays. Mais il aurait été intéressant d’évoquer ces chiffres, et de tenter une comparaison avec la consommation électrique liée à l’activité des institutions bancaires,…
Elle explique par ailleurs que les banques n’ont « aucun contrôle sur le Bitcoin, » ce qui pourrait renforcer une potentielle crise économique – sans évoquer le moindre chiffre, la moindre étude qui permettrait de se faire une idée de l’ampleur du possible rôle de la monnaie numérique dans une telle crise.
Un article à charge
Mais elle omet de préciser que le Bitcoin peut donner à certains citoyens les moyens de reprendre le contrôle sur leur argent, en s’affranchissant de certains politiques gouvernementales inflationnistes, ou de politiques de contrôle des changes.
On aurait aimé qu’elle cite le cas de ces zimbabwéens qui n’ont d’autre choix que de passer par le Bitcoin pour se prémunir face à une inflation galopante – car il savent que l’offre maximale de BTC est inscrite dans le marbre.
On aurait aimé qu’elle évoque ces sites internet, ces restaurants, ces boutiques,… qui font tous confiance au protocole Bitcoin pour recevoir des paiements.
On aurait aimé qu’elle mentionne ces personnes d’origine africaine, qui ont trouvé dans le Bitcoin un moyen pour envoyer, à moindre frais, de l’argent à leurs proches dans le besoin.
Bref, on aurait aimé un peu plus d’objectivité. Car si la journaliste fustige le Bitcoin, elle ne propose aucune solution, si ce n’est de revendre cette monnaie « dangereuse ».
Mais Mme Phlippen est loin d’être la seule éditorialiste à s’attaquer vertement à la monnaie numérique :
Le moins que l’on puisse dire, c’est que le Bitcoin semble ne pas laisser indifférent.…
De l’ironie ?
Mme Phlippen finit son réquisitoire en s’attaquant aux ICOs, ces levées de fonds en crypto-monnaies au travers desquelles, des investisseurs n’achèteraient « que du vent ».
Même si certains critiques à l’égard de ces ICOs sont justifiées (et que bon nombre d’entre elles échoueront dans la mission qu’elles se sont fixées), rappelons qu’Ethereum, le deuxième réseau Blockchain au monde en termes de valeur, a été lancé durant l’été 2014 au travers d’une ICO.
Ethereum rend possible la création d’application décentralisées, à même de redonner du pouvoir au utilisateurs, tout en leur offrant une transparence totale concernant les données échangées avec ces applications.
Pour news.bitcoin.com, il est difficile de savoir si la journaliste cherche à « troller » les lecteurs, ou s’il est convaincue de ce qu’elle avance.
Quoi qu’il en soit, nous pouvons constater que certains médias généralistes peuvent avoir tendance à manquer d’objectivité et de recul lorsqu’ils évoquent le Bitcoin, cette monnaie « qui rend fou ».
Ainsi, ce week-end, de nombreux médias ont ainsi relayé l’histoire de trafiquants de drogue qui auraient recours à des distributeurs de Bitcoins pour blanchir de l’argent.
Voici ce que l’on pouvait lire :
« Les inspecteurs déclarent assister à une forte hausse de l’utilisation des monnaies numériques par des criminels qui déambulent dans les cafés, chez les marchands de journaux et dans les boutiques afin de revendre leurs gains acquis illégalement dans des ATMs de monnaie virtuelle. »
De tels articles omettent de préciser que le délit en lui même – l’achat ou la vente de drogue – a été entièrement conduit avec des monnaies fiduciaires.
Entre les « fake news », les titres racoleurs, la pseudo-satire, il est bien dommage que de voir que quelques médias généralistes (ils sont nombreux à mener des recherches approfondies, et à proposer des réflexions argumentées) ne cherchent pas à prendre le recul nécessaire face à ce phénomène, qui devrait pourtant prendre de l’ampleur dans les années à venir.
Références : news.bitcoin.com, ad.nl