Un internaute a expliqué qu’il utilisait sa voiture Tesla pour approvisionner en électricité un rig de minage de crypto-monnaies. Mais est-ce que cela peut véritablement être intéressant ?
Le minage de crypto-monnaies, pas respectueux de l’environnement
Les crypto-monnaies ont un problème : elles utilisent beaucoup d’énergie.
Pour fonctionner, le réseau Bitcoin consomme à lui seul plus d’énergie que 159 pays, et une seule transaction Bitcoin nécessite autant d’électricité qu’une habitation pendant une semaine.
Ce n’est pas mieux, pour l’instant, du côté d’Ethereum – même si un passage à une méthode de preuve d’enjeu pourra bientôt lui permettre de ne plus s’appuyer sur le mécanisme du minage.
Ce sont de mauvaises nouvelles pour l’environnement.
Il n’est pas surprenant de constater que la plupart des sociétés de minage se soient installées dans des pays où l’électricité est très bon marché – comme c’est le cas en Chine, où sont hébergées les plus grandes « fermes de minage ».
Dans d’autres pays, certains ont recours à de l’hydroélectricité, comme au Canada, alors que d’autres privilégient l’énergie éolienne, comme ce berlinois :
Miner des crypto-monnaies avec une Tesla
La semaine dernière, EcoMotoringNews a relayé l’histoire du propriétaire d’une Tesla, qui avait décidé d’installer des rigs de minage dans le coffre de sa voiture. Il avait déclaré vouloir ainsi profiter de l’électricité gratuite qu’offrait la marque à une partie de ses clients.
Il faut savoir que le minage de Bitcoin requiert des des puces ASIC spécialisées, qui vont résoudre chaque seconde des millions de problèmes mathématiques afin de sécuriser les transactions conduites sur le réseau Bitcoin.
Les autres crypto-monnaies peuvent quant à elles généralement être minées à l’aide de cartes graphiques « classiques » (GPUs), comme celles que l’on retrouve dans les ordinateurs des gamers.
Daniel Oberhaus, rédacteur pour Vice, était sceptique en lisant cette histoire. Il a cherché à en savoir plus, et s’est notamment demandé si une telle entreprise pouvait s’avérer profitable.
Il estime que, à première vue, la voiture Tesla en question n’est pas utilisée pour miner des Bitcoins – on ne peut pas voir de puces ASIC sur la photo.
On retrouve quatre cartes mères, ainsi que quatre blocs d’alimentation montés sur ce qui ressemble à des plaques de contreplaqué. Des cables bleus sont rattachés à des cables d’extension qui permettent de connecter plusieurs GPUs à une seule carte mère. On peut ainsi constater que chaque carte mère est ainsi équipée de 4 GPUs.
Sur la photo, les GPUs n’étaient pas branchés aux cables d’extension – il est donc difficile, d’après M. Oberhaus, de savoir si quelqu’un a vraiment miné des monnaies numériques avec sa Tesla, ou si le propriétaire de la voiture cherchait seulement se faire remarquer.
Le rédacteur s’est d’ailleurs déclaré sceptique quant à la faisabilité de ce montage.
Tout d’abord, le fait de faire tourner autant de cartes graphiques dans une voiture émettrait énormément de chaleur – autrement dit, le minage ne serait possible que si la voiture était garée dans une station de recharge, et que le conducteur ne se situait pas à l’intérieur du véhicule.
Il estime également qu’un tel montage poserait des problèmes de sécurité. En effet, le fait de rouler avec un équipement informatique coûteux dans son coffre peut être de nature à susciter certaines convoitises.
M. Oberhaus s’interroge : même si ces difficultés d’ordre pratique étaient surmontées, est-ce qu’il s’agirait d’une méthode de minage plus respectueuse de l’environnement, et serait-elle profitable ?
Une entreprise profitable ?
Supposons que chaque GPU consomme environ 150 watts. Par conséquent, les 16 GPUs de ce rig de minage consommeraient, au total, 2,4 kilowatts par heure, soit 57,6 kilowatts par jour – en supposant qu’ils tournent 24 heures sur 24.
D’après Green Car Reports, une Tesla Model S peut rouler en moyenne 3 miles par kilowattheure, ce qui signifie que le fait de faire tourner ce rig pendant une journée entière correspondrait à une distance parcourue de 173 miles.
D’après la Federal Highway Administration, les américains roulent en moyenne 260 miles par semaine.
En d’autres termes, le fait de faire tourner ce rig de minage dans le coffre d’une Tesla pendant une journée et demie consommerait, en moyenne, autant d’énergie que celle qui est consommée par un client américain Tesla « moyen », avec sa voiture, pendant une semaine.
Par ailleurs, les conducteurs qui ne participent au programme d’énergie gratuite illimitée de Tesla (ce qui est le cas de tous ceux qui en ont acheté une après le mois de janvier 2017) sont limités à 400 kilowattheures d’électricité gratuite par an, ce qui signifie qu’ils pourraient faire tourner leur rig gratuitement pendant un peu plus de 7 jours par an.
Mais combien est-ce que cela rapporterait ?
Daniel Oberhaus est parti du principe selon lequel l’individu utiliserait ses GPUs pour miner des Ethers. Un GPU permet, en moyenne, d’offrir 20 megashashes par seconde au réseau Ethereum. Le rig Tesla bénéficierait alors d’un hasrate total de 320 megahashes par seconde.
D’après les données fournies par le Cryptocompare profitability calculator, si le rig Tesla était utilisé pour miner des Ethers en continu, avec de l’électricité gratuite, ceci permettrait de générer environ 0,05 Ethers par jour, soit environ 23 dollars.
En un mois, cette entreprise permettrait de réaliser un profit d’environ 675 dollars, soit à peu près le prix du loyer mensuel d’une Tesla Model S.
Par conséquent, d’après Daniel Oberhaus, la Tesla pourrait être auto-financée, en supposant que :
- le propriétaire ne la conduise pas, ou ne l’utilise pas pour autre chose que pour miner des Ethers
- que la valeur de l’Ether ne descende pas au-dessous des 450 dollars (elle s’élevait à environ 445 dollars lors de la rédaction de cet article – on peut donc considérer que cette condition est toujours grossièrement respectée)
- que le propriétaire de la Tesla soit en mesure d’obtenir toute cette énergie gratuitement
Enfin, notez que ces calculs ne prennent pas en compte le prix des rigs de minage, qui coûteraient chacun environ 1 000 dollars.
Le rédacteur conclut ainsi :
« Miner des crypto-monnaies avec votre voiture autonome électrique est une idée futuriste – mais malheureusement, il s’agit d’une idée plutôt stupide. »
Si vous souhaitez en savoir plus sur le fonctionnement minage, n’hésitez pas à consulter notre article qui vous présente de manière simple le fonctionnement de la technologie blockchain.
Références : Vice Motherboard, EcoMotoringNews, JulianOliver