Alors que le Bitcoin se démocratise à travers le monde, les dirigeants de grands établissements financiers – mais aussi ceux des banques centrales – ont souvent été amenés, ces derniers mois, à donner leur point de vue sur l’émergence des crypto-monnaies.
Si les prises de position sont diverses, elles semblent parfois traduire une certaine inquiétude chez les responsables de ces institutions.
Du côté des banques commerciales, Herman Gref, président de la Sberbank, ne se dit pas opposé à la légalisation des crypto-monnaies, alors que le gouvernement russe y semble pourtant ouvertement hostile ; Ulrich Stephan, de la Deutsche Bank, alerte les investisseurs quant aux risques liés au Bitcoin ; Mark Haefele, directeur des investissements de la banque UBS, indique quant à lui que son institution ne comptait pas se tourner vers le Bitcoin.
Et du côté des banques centrales, il est possible d »évoquer la position de la Banque nationale Suisse, qui semble inquiète de l’émergence des monnaies numériques, ou encore celle de Mario Draghi, président de la BCE, qui a expliqué qu’il doutait, pour le moment, de l’impact réel du Bitcoin sur l’économie.
Interdire les crypto-monnaies, une mauvaise idée pour la Russie ?
Pour Herman Gref, président de la Sberbank, « les monnaies virtuelles constituent le produit naturel de la technologie blockchain. On pourrait les interdire, mais l’on pourrait également les accepter. Les institutions ont tendance à expliquer aux gens qu’ils devraient se tenir à l’écart de ces monnaies. Mais celles-ci sont bien là, c’est un fait indéniable. »
D’après Russia Today, l’homme aurait ainsi conseillé « de ne pas interdire les crypto-monnaies. » Le média russe a ajouté ceci : « Le banquier a indiqué que la technologie blockchain constituait une opportunité immense pour les entreprises, même les plus petites. »
Il convient de préciser que la Sberbank, que dirige Herman Gref, est détenue par l’État. Il s’agit de la plus grande banque d’Europe orientale, mais également du troisième établissement bancaire européen, en termes de capitalisation.
Il y a quelques semaines, une étude étude menée par la Russian Association of Blockchain and Cryptocurrency avait montré que les ICOs auraient faire perdre plus de 250 millions de dollars à l’économie russe – certains entrepreneurs locaux s’installant à l’étranger afin de conduire de telles levées de fonds.
« Les particuliers devrait éviter le Bitcoin »
S’il semble loin de se prononcer pour une interdiction du Bitcoin, Ulrich Stephan, Global Chief Investment Officer Private and Commercial Clients de la Deutsche Bank, a indiqué qu’il « ne recommanderait pas cela à un investisseur occasionnel. »
L’homme appelle ainsi les particuliers à ne pas miser sur les crypto-monnaies – du fait du de leur volatilité, mais aussi du manque de régulation qui les entoure.
Ses commentaires font écho à ceux émis par Axel Weber, président du conseil de surveillance de la banque suisse UBS, qui s’était déclaré « extrêmement prudent vis-à-vis du Bitcoin ». Il a toutefois expliqué qu’il était, comme beaucoup de ses homologues, favorable à la technologie blockchain.
Si ces dirigeants se contente de pointer du doigt les risques de perte en capital associés au Bitcoin, d’autres sont bien plus sévères à l’égard de la crypto-monnaie. C’est le cas de Mark Haefele, directeur des investissements de la banque UBS, qui a évoqué le rôle potentiel du Bitcoin dans le financement du terrorisme :
« Tout ce qu’il faudrait, c’est l’apparition d’un acte terroriste sur le sol américain, financé par des Bitcoins. Le régulateur américain prendrait alors le problème plus au sérieux, et passerait à l’action. C’est un risque, certes non quantifiable, qui pèse sur le Bitcoin. » avait-il déclaré il y a peu au groupe Bloomberg.
Des questions qui restent en suspens du côté des banques centrales
« Les banques centrales travaillent très activement en ce moment sur cela [la question des crypto-monnaies] » a déclaré Thomas Jordan, président de la Banque centrale de la Suisse (Banque nationale suisse). « Il est important d’expliquer qu’il ne s’agit pas d’une question de technologie, mais de savoir qui a accès à l’argent de la banque centrale et sous quelle forme. De nombreuses questions restent en suspens, » a‑t-il prévenu.
Pour Mario Draghi, directeur de la Banque Centrale Européenne, « ce risque est plutôt limité. Par conséquent, il ne s’agit pas, pour l’instant, d’un élément susceptible de constituer une menace pour les banques centrales. » Il a tout de même tenu à évoquer l’existence d” »une accumulation de risques”, qui pourraient poser problème d’ici quelques années.
Il y a quelques jours, le groupe bancaire BNP Paribas, basé en France, a publié un rapport portant sur l’avenir du Bitcoin. C’est en tout cas ce qu’affirme le journal The Telegraph – des informations à prendre au conditionnel, dans la mesure où il nous a été impossible de nous procurer une copie du rapport qui y est évoqué.
Le groupe estimerait que les risques liés au Bitcoin sont importants en particulier parce que celui-ci n’a pas la possibilité d’agiren tant que « prêteur en dernier ressort » comme peuvent le faire les banques centrales en cas de crise financière.
La banque aurait également évoqué les risques inhérents à la nature déflationniste du Bitcoin, qui incite les individus à stocker de la valeur plutôt qu’à l’utiliser pour consommer.
Enfin, elle appellerait à la mise en place d’un cadre réglementaire solide autour de l’utilisation des crypto-monnaies, celles-ci soulevant des « inquiétudes relatives au blanchiment d’argent, à la stabilité financière, à l’évasion fiscale et à la criminalité. »
Des monnaies nationales numérisées ?
Certaines banques centrales ont récemment déclaré vouloir créer leur propre monnaie numérique.
Il ne s’agira pas, et c’est somme toute logique, de monnaies similaires au Bitcoin – dont la caractéristique la plus notable se retrouve dans sa nature décentralisée – mais de monnaies émises et soutenues par le gouvernement, qui ne constitueront sans doute qu’un version dématérialisée de la monnaie officielle.
Elles ne viendront pas remplacer les monnaies fiduciaires, mais constitueront plutôt une forme de paiement complémentaire à celles-ci.
C’est le cas la Russie, d’après une annonce de Vladimir Poutine, de l’Uruguay, qui a déjà mis en place un « e‑peso », destiné à limiter la production (coûteuse) de monnaie fiduciaire, ou encore de la Suède, qui travaillent actuellement sur la création d’une « e‑krona » (« e‑couronne ») ».
Pour la Banque de Suède, celle-ci « aura le potentiel de contrer certains problèmes qui pourraient survenir, à l’avenir, sur les marchés des paiements. »
Références : news.bitcoin.com, The Telegraph, Forbes, CartoonMovement