Ce matin, nous vous présentions le billet rédigé par une journaliste néerlandaise, qui estimait que « le Bitcoin pourrait déstabiliser l’économie ».
Mais est-ce vraiment le cas ?
L’existence d’une bulle spéculative sur le marché Bitcoin est évoquée par certains observateurs depuis bien longtemps, même lorsque la monnaie numérique ne valait que 30 centimes :
Mais c’est surtout à la fin de l’année 2013 que de nombreuses voix se sont fait entendre à ce sujet, alors que le cours de la crypto-monnaie était passé de 120 dollars à plus de 1150 dollars en moins de deux mois.
Même si sa valeur s’est appréciée de plus de 1000% depuis le début de l’année, le Bitcoin semble pourtant, pour certains, prêt à poursuivre sa hausse, en dépit des nombreuses mises en garde de nombreux observateurs. Il pourrait ainsi capitaliser ainsi sur une adoption grandissante, en offrant une alternative décentralisée aux monnaies fiduciaires.
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Mais si l’on supposait que le Bitcoin constituait bel et bien une bulle spéculative, quelles seraient les conséquences réelles sur l’économie de l’éclatement de celle-ci ?
Quels risques pour l’économie mondiale ?
Pour commencer, on pourrait se demander ce qui pourrait advenir pour les personnes qui ont investi dans le Bitcoin, si celui-ci perdait un jour l’ensemble de sa valeur. Mais la réponse est très simple : elles perdraient de l’argent.
Mais comme les détenteurs de Bitcoin ne représentent qu’une infime partie de la population mondiale (ils seraient 45 millions d’après cette étude, ou 34 à 36 millions d’après celle-ci), les conséquences de l’éclatement de cette bulle risquent d’être limitées.
D’autant que l’on peut imaginer que la plupart des détenteurs de Bitcoin n’ont placé qu’une part réduite de leur patrimoine dans l’actif numérique, en étant conscientes qu’il s’agissait là d’un placement extrêmement volatil.
Intéressons-nous plutôt aux conséquences potentielles, sur la finance mondiale, d’un effondrement du Bitcoin.
Ce qu’il faut comprendre, c’est que la disparition du Bitcoin n’aurait sans doute qu’un impact extrêmement limité sur l’économie mondiale. Même si sa valeur a été multipliée par 10 depuis le début de l’année, le Bitcoin reste un support d’une taille minuscule si on le compare à d’autres classes d’actifs.
Si cette infographie n’est plus à jour (la valeur du Bitcoin s’élève désormais à 191 milliards de dollars, et celle de l’ensemble des crypto-monnaies à 340 milliards de dollars), elle permet de réaliser à quel point le poids du Bitcoin reste limité :
On peut également s’intéresser à ce graphique, plus récent, qui nous fournit des données en « trillion dollars » (soit 1000 milliards de dollars) :
On notera ainsi, par exemple, que le poids marché résidentiel est environ 850 fois plus élevé que celui de l’ensemble des crypto-monnaies.
Et si l’on compare ces dernières (340 milliards de dollars) avec la bulle internet de la fin des années 1990 (environ 5000 milliards à son plus haut), on réalise à quel point la taille de cette prétendue « bulle » spéculative est limitée.
Adrian Lee, maître de conférences en finance à l’University of Technology de Sydney, s’est appuyé sur l’exemple de l’Australie afin d’évoquer les raisons pour lesquelles une chute du Bitcoin n’aurait qu’un faible impact sur l’économie :
« Par conséquent, cela n’affecterait pas le dollar australien, dans la mesure où personne n’utilise encore beaucoup le Bitcoin, pour le moment. Si vous y pensez, il y a des milliers de milliards de dollars de trading avec le dollar Australien, alors que le Bitcoin vaut, tout au plus, 200 milliards de dollars – c’est donc vraiment peu si on compare ces chiffres aux milliers de milliards de dollars des marchés forex. »
Par ailleurs, on sait que la crise des subprimes de 2008 était lié à des emprunts hypothécaires contractés par des particuliers – cela semble être différent dans le cas du Bitcoin, puisqu’il est difficile d’imaginer qu’une part importante des acheteurs de Bitcoin aient eu recours à des emprunts pour financer cet achat.
Jason Potts, professeur en économie au sein de l’Institut royal de technologie de Melbourne, a ainsi indiqué :
« Il existe peu de signes laissant penser que des personnes empruntent de l’argent afin d’acheter des crypto-monnaies. Si j’étais une banque ou un prêteur, je ne prêterai en aucun cas de l’argent pour ce motif. »
Le Bitcoin, aussi limité que l’e-mail en 1994
Beaucoup d’observateurs évoquent une « bulle » en parlant du Bitcoin, principalement du fait de la forte hausse de son cours pendant l’année, mais aussi d’un actif dont la valeur n’est garantie par aucun gouvernement.
Ce qu’il faut comprendre, c’est que le poids du Bitcoin est encore extrêmement réduit, et que l’adoption de la monnaie numérique n’en est qu’à ses débuts – il reste encore difficile, dans la plupart des villes du monde, de parvenir à régler l’ensemble de ses achats en devise digitale.
M. Potts estime que l’effondrement du Bitcoin n’induirait pas de conséquences notables sur les marchés mondiaux. Il juge ainsi que le Bitcoin n’a pas encore suffisamment de poids pour constituer une bulle susceptible de menacer l’économie mondiale.
C’est d’ailleurs ce qu’indiquait récemment le président de la BCE, Mario Draghi. Il a expliqué, en évoquant les crypto-monnaies, qu’il s’agissait d” »un risque plutôt limité », et pas d’un élément qui, pour l’instant, serait « susceptible de constituer une menace pour les banques centrales. »
M. Potts a comparé la situation du Bitcoin à celle de l’e-mail en 1994, en indiquant que nous nous situons encore dans une phase d” »early adoption », pour ensuite affirmer : « Les gens qui placent leurs économies dans des fonds de pension… ils ne sont pas sur ce marché, et ne devraient pas y entrer avant bien longtemps. »
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En cas de chute brutale du cours du Bitcoin, l” »économie réelle » ne devrait ainsi pas être affectée.
« Si ça s’effondrait, cela aurait seulement des conséquences sur les gens qui spéculent dessus, peut-être ceux qui utilisent le Bitcoin, et peut-être les plateformes d’échange qui perdront de l’argent. Mais ces plateformes ne supposent pas beaucoup de frais généraux, alors même si le Bitcoin chutait, cela n’aurait pas de conséquence notable, » a ajouté M. Lee.
Les vraies bulles, réservées à de gros marchés
Par conséquent, il semble clair qu’un effondrement du Bitcoin n’aurait aucun effet significatif sur les marchés mondiaux. Si le Bitcoin retombait à 0 dollars, ceci n’aurait d’impact notable que sur ceux qui ont décidé d’y investir de l’argent – et qui l’ont fait en connaissant les risques associés à ce type de placement.
Dans le même temps, il semblerait qu’une gigantesque bulle financière soit en train de se mettre en place sur les Bourses mondiales, avec des valorisations records aux Etats-Unis. Voilà un élément qui pourrait sembler bien plus inquiétant…
Références : CoinTelegraph, Abc.net, Challenges, liberaux.org