Alors que le Bitcoin a atteint cette semaine de nouveaux records historiques, un nombre croissant d’institutions financières commencent à s’intéresser à la crypto-monnaie. Mais, dans le même temps, les banques semblent encore réticentes à franchir le pas.
Cette semaine, les « crypto-enthusiasts » ont pu apprécier la montée du cours du Bitcoin, qui a dépassé la barre des 11 000 dollars mercredi, avant de retomber dans la foulée à moins de 9500 dollars.
Le Bitcoin semble être devenu le sujet de discussion à la mode – et de nombreux médias généralistes l’ont évoqué. « Bulle spéculative », « ovni de la finance », « système monétaire planétaire », « monnaie de singe »,… Les qualificatifs de manquent pas pour présenter ce qui semble encore relever du mystère pour une majorité des français.
Mais comment les institutions financières réagissent-elles face à la montée en puissance de la monnaie numérique ?
De grandes institutions financières sur le point de s’y mettre
Le Bitcoin suscite un intérêt croissant auprès de ces institutions, qui permettent de lui conférer la légitimité qui lui manquait peut-être jusqu’à présent.
CME Group va ainsi proposer des contrats à terme sur le Bitcoin dès le 18 décembre prochain, tout comme la société Nasdaq, qui devrait s’y mettre dans le courant du second trimestre 2018.
La banque d’investissement américaine Cantor Fitzgerald espère également proposer des produits dérivés avec le Bitcoin comme sous-jacent pour le premier semestre 2018.
Dans un article publié cette semaine sur le site American Banker, Richard Levin, président du cabinet de conseil juridique Polsinelli PC, a déclaré qu’il pensait que ces décisions envoyaient « un message clair, indiquant que des entités “traditionnelles” du secteur des services financiers étaient en train d’adopter les monnaies numériques. »
Il a expliqué ceci :
« Vous voyez que le Chicago Mercantile Exchange et Nasdaq, deux des principales plateformes d’échange, adoptent des produits financiers liées à un actif numérique. Elles ne s’y mettent pas de manière désordonnée – elles ont pour cela mené de longues discussions avec les autorités de régulation concernées. »
Il a poursuit ainsi :
« De nombreux investisseurs institutionnels sont en train de s’intéresser à cette classe d’actifs numériques, et se demandent : “s’agit-il d’un nouvel actif sur lequel nous pouvons spéculer ?”. Tout comme le développement de produits dérivés liés au Bitcoin, certains agents réalisent qu’il s’agit là d’un nouveau domaine qui peut leur permettre de gagner de l’argent. »
L’imprévisibilité continue de poser problème
M. Levin a toutefois indiqué que les autorités de régulation étaient sans doute frileuses du fait des risques liés aux achats par les particuliers, qui pourraient ne pas avoir bien pris conscience de la forte volatilité du Bitcoin – et perdre ainsi une partie de leurs économies.
Cette inquiétude pourrait d’ailleurs être exacerbée par les récents avertissements émanant de la Réserve fédérale des États-Unis au sujet de l’imprévisibilité du Bitcoin.
« Je pense qu’ils ont peur que les particuliers, qui n’ont pas les connaissances financières nécessaires, perdent de l’argent, » a‑t-il ainsi confié.
Une trop forte volatilité pour le CEO de Goldman Sachs
Pour de nombreux observateurs, l’arrivée de ces grands noms dans l’écosystème Bitcoin pourrait ne pas déboucher sur une adoption massive de celui-ci dans le secteur bancaire.
Mais cela aurait au moins le mérite de les encourager à s’y intéresser de plus près, et tenter de mieux comprendre son fonctionnement.
« Quelque chose qui augmente et diminue de 20% dans une journée ne me semble pas être une monnaie, ça ne me semble pas être une réserve de valeur », avait déclaré jeudi dernier Lloyd Blankfein, CEO de Goldman Sachs. Il avait également indiqué qu’il était « encore trop tôt » pour que la banque puisse se tourner vers le Bitcoin, sans toutefois rejeter cette idée.
D’autres sont beaucoup plus hostiles à l’égard de la monnaie numérique. C’est le cas de Jamie Dimon, le PDG de JPMorgan Chase, qui n’avait pas hésité à la qualifier de « fraude » – alors que son institution pourrait prochainement proposer à ses clients les contrats à terme sur le Bitcoin de CME Group.
Un marché à terme, une bonne nouvelle pour le Bitcoin
Tidjane Thiam, le directeur général du Crédit Suisse avait déclaré au début du mois de novembre que les banques “n’avaient que peu ou pas d’appétit pour une monnaie qui pose des problèmes conséquents, tels que la lutte contre le blanchiment d’argent.”
Le manque de stabilité des prix, mais également l’absence d’un cadre réglementaire clair font également partie des inquiétudes.
« Il est très difficile pour les banques de pouvoir bénéficier du Bitcoin, » a expliqué Ben Jessel, directeur général de la société de conseil Capco.
« Il ya beaucoup d’inquiétudes concernant ses fondamentaux. Certaines espèrent que l’arrivée d’un marché à terme va nous permettre de nous faire une idée au sujet du futur prix du Bitcoin, et peut-être limiter la dimension spéculative de cet actif. » a‑t-il ajouté.
Cet année, le cours de la crypto-monnaie s’est apprécié de plus de 1000%. Cette flambée coïncide avec l’appétence croissante pour la monnaie numérique de certains commerçants, de plus en plus nombreux à accepter les paiements en Bitcoin, ou son utilisation par des citoyens cherchant à se prémunir face à des politiques monétaires défaillantes. L’arrivée d’investisseurs instutitonnels semble logique, même s’il intervient alors que certains observateurs alertent sur la formation d’une bulle spéculative.
« Tous les jours, en ce moment, seulement 1 million de Bitcoins [ndlr : sur les 16,7 millions qui ont été, jusqu’ici, créés] sont activement échangés », a expliqué Maximilian von Wallenberg, le co-fondateur de la plateforme de trading Cryptonaut.
« Mais il y a déjà des millions de personnes qui cherchent à entrer sur ce marché. Par ailleurs, des fonds institutionnels sont en train d’arriver » a‑t-il indiqué.
La blockchain, le Bitcoin et les paiements transfontaliers
Ben Jessel a insisté sur le fait que le Bitcoin, mais de manière plus générale la technologie Blockchain sur laquelle il s’appuie, pourraient révolutionner les systèmes de paiement transfontalier actuels, jugés inefficients.
« Je pense que la plus grande innovation viendra des paiements transfontaliers » a‑t-il expliqué. « Les réseaux bancaires dont nous disposons aujourd’hui nécessitent trois jours d’attente pour effectuer un virement. »
« Pour les paiements transfontaliers, il n’y a rien de mieux que la crypto-monnaie, » a ajouté William Quigley, directeur général de Clearstone Venture Partners. « De plus en plus de personnes commencent à s’en rendre compte, et cela a un impact sur le prix du Bitcoin. »
Ce phénomène peut d’ailleurs s’observer en France, puisque, comme nous vous l’indiquions récemment, plus de 30% des clients de la Maison du Bitcoin utiliseraient la monnaie numérique pour envoyer de l’argent vers l’Afrique.
Un rendez-vous que les banques pourraient manquer ?
Pour certains observateurs, les banques qui ne voient pas le potentiel du Bitcoin – que ce soit pour mener ce type de transferts, ou pour profiter des applications révolutionnaires de la technologie Blockchain – pourraient un jour en payer le prix.
« Il s’agit d’un train en marche, personne ne ferme ses portes pour le moment, » a déclaré David Tawil, président de Maglan Capital, et ancien banquier d’investissement au sein du Crédit Suisse. « Les professionnels des services financiers qui ne réalisent pas la présence du Bitcoin, et ne cherchent pas à mieux connaître les crypto-monnaies, pourraient un jour en pâtir, » a‑t-il ajouté.
La route vers une plus grande adoption pourrait être facilitée une fois que les risques liés aux Bitcoins seront diminués. M. Tawil a expliqué que la monnaie numérique était « extrêmement attirante », en particulier dans les pays qui souffrent d’un environnement économique et politique instable.
Pour M. Tawil, « les autorités de régulation doivent s’intéresser à cette problématique dès que possible, et trouver des moyens pour légaliser ces monnaies. »
En France, Frédéric Oudéa, le directeur général de la Société Générale, avait déclaré que le Bitcoin correspondait « à la définition même d’une bulle spéculative. »
Et du côté de la Banque de France, François Villeroy de Galhau a récemment alerté les investisseurs sur les risques liés à la dimension spéculative du Bitcoin, en affirmant qu’il ne s’agissait « ni d’une monnaie, ni même d’une crypto-monnaie. »
Difficile d’anticiper les prochaines réactions des institutions bancaires, alors que le Bitcoin semble prendre chaque mois plus l’ampleur. On peut toutefois penser que les applications s’appuyant sur la technologie blockchain pourraient, à terme, modifier profondément la manière dont les citoyens gèrent, dépensent et investissent leur argent.
Références : Bitcoinist, Coinmarketcap, newsbtc.com